Les apparences

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J’ai toujours été interpellé par les « clichés » auxquels nous sommes accrochés et qui nous empêchent de rentrer dans une relation riche et féconde avec autrui, car on se limite à l’image subjective que l’on a de l’autre, on l’enferme dans une « case ». Pourtant, il me semble que « la carte n’est pas le territoire », que le monde ne se limite pas à l’image que l’on en a, et que l’image qu’on a de ce monde est elle-même fonction de la façon dont on a été biologiquement et culturellement influencés : en ce sens, « la beauté est dans l’œil de celui regarde ». On voit ce qu’on a été préparé (ou éduqué) à voir, à moins d’un choc qui change notre perception. Ainsi, inutile de s’indigner de la façon qu’a autrui de voir les choses ni du langage potentiellement différent qu’il emploie pour qualifier une expérience ou une idée que l’on aurait en commun : ainsi va le monde, nous n’avons pas le même background, à quoi bon s’indigner contre une loi de la nature ?

Malheureusement, nos perceptions nous enferment dans un monde de « reflet », dans un monde « d ‘images » : il semble que ce soit l’air du temps (à moins que cela n’ait toujours été ainsi et que cela ait simplement pris une plus grande proportion ?). Pour exister en société, on se construit donc un avatar, une image qui nous permet de « positivement » exister aux yeux des autres : on privilégie le paraître à l’être. Le problème est que cette image peut-être si en décalage avec notre essence profonde, qu’à force de paraître ce que l’on n’est pas on risque la dépression, la colère et la frustration. C’est le risque lorsque l’on vit accroché aux clichés, aux impressions, aux jugements, aux postures, c’est un monde où règne la séduction et la manipulation car il n’y a que ces mécanismes qui nous assurent de paraître lisse et brillant aux yeux du plus grand nombre. On en oublie parfois que plaire à tout le monde c’est plaire à n’importe qui. C’est un monde de surface où l’on vit constamment à la périphérie des choses et non en leur centre, on est loin de l’essentiel, on est dans le « superficiel ». On peut avoir un beau costard, un bel outfit, une posture séduisante, et intérieurement être plein de négativité, de colère, de malice, de contradictions.

Bien sûr, je ne m’exclue pas du tableau, je dirais même que je parle surtout de moi : peut-on d’ailleurs parler d’autre chose que soi-même dans la mesure où tout ce qu’on perçoit, on le perçoit à travers notre propre prisme (même lorsqu’on s’intéresse à autrui) ? Autant parler de ce que l’on connaît, de sa propre expérience. Si vous partagez la même impression à propos de vous-même, inutile de vous juger trop sévèrement et de vous identifier à cette image car rappelez-vous en, ce n’est qu’une image, « la carte n’est pas le territoire » : on est plus que ce que l’on croit être, mais pour le découvrir il faut s’autoriser à s’ouvrir à cette partie de nous même qui est au delà de nos propres jugements et ceux des autres, car les jugements sont arbitraires, têtus, et sont parfois le fruit d’une perception subjective et égocentrée. Les jugements forment les habitudes de celui qui pendant trop longtemps a été scotché aux apparences, celui qui s’est habitué à donner son avis sur tout sans savoir fondamentalement les tenants et aboutissants de ce qu’il prétend connaître. Les jugements appartiennent à celui qui a tendance à « généraliser ». Celui là oublie que lorsqu’il juge autrui c’est surtout de lui même qu’il parle, car on ne peut identifier chez autrui que ce que l’on porte en soi, que ce soit à grande ou petite échelle (sachez qu’il y aura toujours une autre personne pour grossir ou amoindrir nos qualités et nos défauts).

Il faut sortir de cela.  Laissez-vous féconder par cette partie de vous même qui est plus profonde, plus intime, plus intérieure, un peu plus loin de la surface, un peu plus loin des apparences, un peu plus vraie, un peu plus naturelle.

Je ne dis pas que c’est de façon générale le monde dans lequel nous vivons, je dis qu’il peut nous arriver de vivre de cette façon, auquel cas le fait d’entendre quelqu’un le formuler, mettre des mots dessus, peut nous aider à prendre du recul et à agir différemment.

Il y a un autre rapport au monde possible, un monde dans lequel on se fie un peu moins aux images, un monde dans lequel ce n’est pas l’extérieur et les apparences qui nous définissent, mais notre guidance intérieure, notre intuition, notre inspiration. La vraie inspiration vient de l’intérieur, elle n’est pas dépendante des facteurs extérieurs, elle n’est pas « politicienne », elle ne cherche pas à se « donner un genre ». Elle coule de source et ne se laisse pas court-circuiter par nos pensées qui elles sont malheureusement trop contaminées par un souci de reconnaissance et nous plongent dans la séduction. La vraie liberté, c’est s’autoriser à être soi, ce soi qui est le produit d’une prise de conscience de ce qui nous anime intérieurement. La vraie liberté c’est d’être soi, non dans un esprit trop démonstratif, ce qui serait de l’exhibitionnisme ou une autre vaine tentative de séduire et d’attirer la reconnaissance, mais d’être soi simplement, en toute fluidité, sans tapage, sans fausse modestie ni excès d’orgueil, être soi en gardant à l’esprit et en acceptant le fait que notre naturel pourra quand même faire l’objet de jugements et c’est normal, c’est la vie, inutile de s’indigner. Au contraire, l’autre est un miroir, sa perception est pour nous un garde-fou. L’autre nous permet de nous améliorer, de nous remettre en question :  il nous aide à veiller à demeurer authentique sans entraver autrui, sans le brusquer en nous pensant soudainement maître du monde. Il ne faut pas non plus chercher à tout prix à être compris, car ce serait être un peu trop politique. Il suffit d’être simplement soi.

Copyright 2019 © David Mboussou

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