Forêt Noire – En quête d’éternité

Arrivé à un moment où le sens de ma vie m’échappa au point de ne plus savoir où et comment continuer d’avancer sur mon sentier d’évolution, il me fallut revenir en arrière afin d’interroger mon passé, sonder ces présences ainsi que ces lieux de mon enfance qui jadis m’apparaissaient comme chargés d’une mémoire féconde et ineffable, d’une sorte de mystère capable de faire écho à cette partie intime de moi même m’ayant toujours semblée demeurer hors de l’espace et du temps, au sein même de l’éternité.

C’est ce parfum d’éternité dont le souvenir hantait ma mémoire, que j’espérais retrouver en retournant sur les lieux de mon enfance, en Afrique. Je souhaitais ardemment renouer avec cette mystérieuse dimension dont j’avais l’intuition qu’elle fondât la part la plus intime et essentielle de chaque être vivant, la seule dimension capable de révéler notre immortalité et de nous soustraire ne serait ce que quelques instants à l’épreuve du temps qui passe… nous soustraire également aux contingences d’un mode de vie strictement matériel compromettant notre relation à l’invisible ainsi que notre aspiration pour le sacré: renouer avec l’éternité afin qu’elle nous arrache à l’angoisse de l’oubli et de la mort.

De notre enfance, nous conservons la trace d’impressions qui fondent l’alphabet émotionnel, sensoriel et intellectuel à partir duquel nous qualifions et écrivons la somme de nos expériences ultérieures. Comme l’a si bien dit l’auteur Gaston-Paul Effa : « du commencement nul n’est jamais sorti. » C’est ainsi que j’avais le sentiment que mon enfance au Gabon avait été tapissée d’expériences et de rencontres qui sans que je ne m’en rende aussitôt compte, m’avaient introduit dans un rapport à l’invisible si caractéristique de l’Afrique ancestrale. Avec le temps, je m’efforçai d’intégrer de façon intellectuelle et sensible ce rapport au monde qui influença mon appréhension du réel, de l’espace et du temps.

Etaient-ce les escapades hors de la ville, là où la « modernité » n’avait pas encore fini d’assoir tous ses effets contrastés, qui me permirent d’installer mon esprit dans la conscience d’un temps plus long ? Il m’a toujours semblé que le temps passé au village, là où la nature y exerce une présence souveraine, s’y écoulait plus lentement qu’en ville et que cet écart permettait de mesurer ce que l’on perdait de mystère en s’installant dans le monde dit moderne. La forêt équatoriale dans toute sa luxuriance végétale, animale et minérale, avec tout ce qu’elle avait pu par ailleurs inspirer en terme de croyances animistes, était l’un de ces espaces qu’il me tardait de revisiter à nouveau, convaincu qu’elle était le lieu de profondes révélations sur la nature même du temps, de la vie et de la mort.

C’est avec le recul des années que je commence à réaliser que j’étais en quête d’infini, ce qui semble faire parti des motifs philosophiques dont on ne mesure jamais vraiment les périlleux tenants et aboutissants au moment où nous commençons à nous laisser entraîner par eux, à travers quelques remises en cause à propos de soi et du monde. Cette soif d’éternité convertie en une quête d’infini, est le genre d’aspiration que l’on peine à éclaircir et donc à qualifier, voire que l’on peine à s’avouer ou à partager autour de soi, tant la résonance métaphysique d’un telle aspiration nous expose à un vertige existentiel d’une ampleur à la fois magnifique et terrifiante, lequel ne semblant pouvoir déboucher que sur la contemplation d’un insondable mystère capable de nous illuminer, sinon de nous faire basculer dans le labyrinthe de la folie. Evidemment, je n’ai jamais cessé de prier que l’émerveillement l’emporte.

Copyright texte et photos 2019 © David Mboussou

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