Le rituel avait été savamment orchestré. Qu’il eut s’agit du parfum émanant de la torche indigène fabriquée à partir d’essences végétales issues de la Forêt Mère, ou de la façon dont étaient disposées différentes reliques de part et d’autre du Temple, aucun élément de cette « mise en scène » ancestrale n’avait été disposé au hasard. Au contraire, le rituel répondait à une logique bien précise dont seul les initiés avaient le secret. Chaque élément du décors, chaque couleur, chaque accessoire, chaque essence ainsi que chaque expression humaine, qu’elle eut été vocale ou gestuelle par le biais de la parole ou de la danse, concourrait à connecter les consciences des personnes en présence à une dimension spirituelle depuis laquelle il état possible de recueillir tous les ingrédients psychiques nécessaires au maintien de l’équilibre au sein de la communauté.
D’après la Parole des Anciens, le portail spatio-temporel permettant d’accéder à ce plan de conscience avait été ouvert à l’aube de l’humanité par une Femme qui dit-on, avait procédé à un rituel lui ayant été révélé par L’Esprit de la Forêt. C’est ainsi que ce procédé mystique fut transmis de générations en générations afin de relier les membres de la communauté à l’Invisible, source infinie d’énergie et de messages prophétiques réservés à des consciences désintéressées, agissant selon une certaine pureté d’intention.
Lors d’un tel rituel, tout était calibré au millimètre près de sorte que jusqu’aux pensées des différents participants étaient épurées à travers une série de gestes, de prières et de chants : en effet, il eut été désastreux que les ondes négatives émanant d’une conscience non dépouillée de ses aspérités polarise la communauté toute entière sur une fréquence ténébreuse, ce qui eût pu constituer un source de graves déséquilibres pour tous. Hommes comme femmes, adultes comme enfants, tous étaient appelés au recueillement par l’Officiant de cérémonie, afin de favoriser l’ouverture de conscience nécessaire à l’émanation de la Lumière Originelle.
« Puissent vos pensées être dictées par l’amour et la gratitude. Puisse le travail que nous effectuons ce soir favoriser l’installation de la paix dans nos cœurs afin de libérer des énergies favorisant l’harmonie en nous et autour de nous. Puissions-nous être dépouillés de nos faux-semblants et de nos intentions malveillantes afin que la lumière du Très-Haut nous parvienne selon sa propre volonté et non la nôtre.»
Ainsi parla l’Ancien.
À mesure que la cérémonie se déroulait, il n’y avait plus dans l’esprit de Mavikana aucune frontière entre le dehors et le dedans, entre le visible et l’invisible. Chaque élément de la Création qui jusqu’à un certain point lui était apparu en tant qu’objet distinct et séparé du reste, participait désormais à une seule et même expérience unifiée au sein de laquelle il lui était devenu impossible de distinguer l’observateur de la chose observée. Ni son propre commencement, ni sa propre fin ne lui semblaient être définissables, sinon lui apparaissaient comme des limites purement arbitraires que son Mental s’était jadis efforcé de constituer afin qu’il eut la sensation de jouir d’une existence propre, distincte, séparée du reste. Or il lui était apparu comme une évidence le fait que rien de ce qui existait n’était séparé du reste, que Tout était en étroite relation avec Tout, si bien que Tout ne fut qu’une seule et même chose, une seule et même expérience, une seule et même Conscience Unifiée. La sensation de séparation était le trait d’Union qui lui avait permis de plus justement apprécier l’imbrication de chaque élément vis à vis d’un autre. Qu’il eut s’agit d’une pensée, d’un ressenti ou de quelconque autres types d’impressions, un jeu de correspondance s’était établi en lui de sorte qu’une chose en évoquait toujours une autre, chaque idée étant le prolongement d’une autre idée, chaque sensation étant la métaphore d’une autre sensation, sans plus qu’aucune image ne puisse à elle seule fixer le tableau complet. Le tableau était devenu un flux dynamique fait d’impressions en perpétuel changement. Le tableau était devenu le changement et il était devenu le tableau.
Modèle photo Mbilou ( ONG http://www.ebando.org)
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